Aujourd’hui est un jour un peu sans. Beaucoup sans. Il y en a déjà eu. Il y en aura d’autres. C’est fou comme la journée peut déraper sur pas grand chose, sur rien même. C’est fou comme le désespoir se cache dans des petits riens, alors qu’on affronte déjà tellement.
Tout à l’heure, je n’ai pas réussi à cacher ma déception. Face à l’un des pro qui suit mon fils et qui voulait me montrer “un super progrès”. J’ai regardé, je voulais voir. Elle m’en parlait tellement. J’ai vu, l’effort immense, la concentration. Elle a vu elle aussi. Elle a vu dans mes yeux ce profond découragement que je n’ai pas formulé pendant l’exercice. Juste mon regard triste et mon manque d’enthousiasme. Le faux “c’est très bien mon chéri”. Et j’ai surtout embrayé sur le “mais vous croyez vraiment qu’il va y arriver réellement un jour ?”. Parce que je doute, pour ne pas dire plus.
Parfois je flanche.
Je me demande à quoi bon. Je me demande si ça sert vraiment toutes ces prises en charge, toutes ces rééducations. Cet emploi du temps si dense pour un enfant si petit. Je me vois alors comme un de ces parents toxiques qui hurlent sur leur progéniture depuis les gradins pour projeter je ne sais quel rêve de grandeur. Sauf que nous on court “juste” après des choses simples. Ecrire son prénom. Couper un morceau de pomme de terre. Sauter à cloche-pied. 3 fois rien, 3 fois tout.
On fait tout ce qu’on nous dit, tout ce qu’il faut, tout ce qui est recommandé. Ou presque. C’est que c’est beaucoup, parfois jamais jamais assez. La culpabilité est toujours là, quoi qu’on fasse. On court vers une normalité impossible.
C’est très bien qu’on nous dit souvent, de la part de tous ceux qui savent voir les progrès. C’est trop qu’on nous dit parfois, surtout de la part de ceux qui ne veulent voir que ce qui ne va pas. Ces derniers, peu nombreux, à la parole si lourde, instillent ce “ça sert à rien” qui veut t’abattre au sol. Toi tu t’es forgée une conviction, tu y crois aux prises en charge précoces. Et intensives. Et puis…
D’un coup, tu es déçue. Déçue par un manque de réussite. Ce sentiment odieux m’envahit malgré moi et me déçoit moi-même. Ce n’est pas sa faute et pourtant je lui en veux. Je m’en veux à moi, surtout. De ne pas dépasser ça. De me calquer encore et toujours sur un modèle de monde valide où “il faut” réussir à faire telle ou telle chose. C’est profondément idiot et injuste.
Parfois je flanche.
Alors se niche au creux de mes insomnies l’angoisse sourde de tous ces gestes que je devrais – peut-être – toujours faire pour lui.
Et le tourment indicible de qui les fera quand moi je ne serais plus là.
3 comments
Oui, on est attentif à chaque petit progrès, on encourage, on félicite et puis parfois, c’est normal, on voit juste que notre enfant réussit avec difficulté à faire à 6 ans quelque chose que les autres enfants réussissent facilement à 2 ou 3 ans. C’est tellement douloureux de voir des enfants plus petits rattraper et dépasser notre enfant différent. Ce n’est pas de la jalousie, c’est juste une souffrance.
C’est ça, de la souffrance… Et de l’injustice aussi. Il y met tellement d’efforts…
Bientôt 12 ans que Jules a une prise en charge assez lourde et j’ai juste envie de te dire : ne lâche pas !! les progrès seront là ! Alors oui, tu devras surement l’accompagner pour certains gestes du quotidien (pour nous la lecture et l’écriture) mais sans cette accompagnement au quotidien, ce serait pire, j’en suis convaincue.
Et oui, c’est normal de te décourager, de baisser les bras, tu n’en demeures pas moins une maman formidable mais pas une superwoman, personne ne l’est. Tu as le droit de te décourager, de perdre pied. Personne ne devrait subir ce que l’on vit, et encore moins nos enfants <3