C’est arrivé mercredi dernier. Les petits étaient à la sieste, et nous avec mon grand au travail. Il avait été super champion avec les syllabes, motivé et intéressé, donc après cette séance je l’ai chaudement félicité. Comme toujours quand il s’est appliqué et a été volontaire, pour le booster, le motiver.
D’un coup je me suis dit que c’était le moment. Que j’allais lui parler.
J’ai pris une grande inspiration, la main sur son épaule. J’ai essayé de ne pas me crisper. Je lui ai demandé “tu sais pourquoi c’est un petit peu compliqué pour toi des fois ?”. Il m’a dit “oui” mais m’a jeté un regard un peu interrogateur. J’ai enchainé “tu sais que tu as un petit handicap”. Alors j’ai expliqué. J’ai parlé de son syndrôme, j’ai dit le nom. Il l’a répété. J’ai écarquillé un peu les yeux pour ravaler les prémices de larmes. Je lui ai expliqué que c’était pour ça que c’était un peu compliqué pour lui parfois, pour ça qu’il avait des gens qui l’aidaient. Son orthophoniste, sa psychomotricienne, son AVS… pour l’accompagner. Je lui ai redis, comme je lui dis toujours depuis tout petit, qu’il était un champion, qu’il pouvait être fier de lui, que je l’étais, que tout le monde est fier de lui. Il m’a regardé les yeux brillants “tout le monde est fier de moi ?”. Bien sûr mon chat, si tu savais à quel point…
Je ne sais pas si j’ai bien fait. Je ne sais pas si c’était le moment. Je sentais qu’il fallait. 5 ans ½. Il est temps de mettre les mots précis sur la réalité non ? Je sais que j’aurais dû le faire plus tôt. Mais je ne voyais pas comment, je ne voyais pas forcément pourquoi non plus. Je me disais qu’il le savait, que j’avais toujours dit pourquoi nous allions voir les médecins, pourquoi il faisait toutes ces prises en charge alors… C’est pareil non ? Mais les mots. Les mots sont difficiles à sortir. Sont-ils bien sortis ? Pourquoi j’ai dû me sentir obligée de préciser “petit”, comme si cela me permettait à moi d’adoucir la réalité, comme si…
Quand mon fils est entré à l’école, j’avais eu une réunion avec sa maîtresse et l’ATSEM. Elles m’avaient demandé comment ils fallaient qu’elles parlent du handicap de mon fils aux autres enfants. J’avais pleuré, parce que je ne savais pas, je ne suis que la maman, je ne sais pas faire moi… J’ai toujours trouvé que c’était une des choses les plus maladroites que l’on m’ait demandé. La vérité c’est que j’avais honte de ne pas savoir l’expliquer, de ne pas connaître les mots, il avait déjà 3 ans j’aurais dû en être capable non ? Mais non. Je ne l’étais pas. Je ne pense pas l’être vraiment un jour, mais j’ai senti qu’il était temps, il grandit et moi aussi j’ai grandi. Un peu.
Nous n’en n’avons pas reparlé depuis, pas encore. Mais je le ferais, parfois, de temps en temps, mais pas trop. J’essayerais de trouver la fine ligne d’équilibre entre ne pas l’occulter et en même temps ne pas le réduire à cela. C’est ce qu’il a, pas ce qu’il est, c’est ce que je me dis, ce que j’ai envie qu’il envisage. Mais est-ce que c’est la réalité, sa réalité ? Je n’en sais rien. Est-ce que je n’applique pas une vision validiste de tout cela, intégrée malgré moi et malgré mes questionnements fréquents ? Sûrement. C’est dur à dire, mais sûrement. Malgré tout mes efforts, tout mon amour, le handicap reste tellement difficile à aborder, je ne comprends pas toujours ce qu’il signifie au quotidien alors que je le vis à côté de lui, alors de là à comprendre ce que cela signifie aussi pour lui…
Mais voilà, c’est fait, je lui ai en parlé. Directement. Avec les “vrais” termes. Je ne sais pas ce que cela changera, mais j’ai avancé.
11 comments
Je n’en sais rien non plus mais si tu l’as fait c’est que c’était le moment pour toi. Au feeling on se trompe rarement.
Je ne sais pas trop, mais en tout cas avant je ne l’envisageais pas comme ça. Pas évident de trouver le bon timing et au final le temps passe
C’est un sacré chemin parcouru, je ne suis pas sûr qu’il y ait un bon ou un mauvais timing… vu sa réaction, tu ne lui as parlé ni trop tard ni trop tôt.
Et bien sûr que tout le monde est fier de lui, 1000 fois oui 🙂 Et il peut également être fier de lui, et aussi très fier de sa maman !
Un sacré chemin oui, quand j’y repense ça me donne un peu le tournis… Il est sacrément bien entouré ce petit bout en tout cas, merci ❤️
Si tu fais comme tu le sens, il n’y a pas de mauvais moment ❤
Je ne sais pas trop, au final on est souvent peu accompagner sur ce sujet là…
C’est tellement dur de savoir comment aborder le handicap. Nous avons pris le parti de parler librement de la maladie génétique de notre petite mais de ne jamais donner le nom (sauf à nos proches et à la crèche) car nous souhaitons que les gens l’acceptent telle qu’elle est sans aller se renseigner sur sa maladie. Quelle sera sa réaction quand elle sera plus grande ? On verra et on adaptera. On en parle aussi beaucoup avec le grand frère et la grande sœur. La fratrie est souvent dans l’ombre quand l’un des enfants est porteur de handicap.
Bon courage à vous !
Oui, à l’extérieur nous avons fait le même choix que vous jusqu’à présent. Et là qu’il grandit il fera peut-être un choix différent, ça sera sa décision. En parler avec ses petits frères là aussi je me demande comment faire…
Naturellement, comme tu l’as fait pour ton grand ! Juste pour mettre des mots ce qu’ils ont probablement déjà compris. Mes deux aînés avaient 7 ans et 4 ans quand on a eu le diagnostic pour la petite. Bon courage !
Bonjour. En tant qu’instit je pense que j’aurais pu te demander la même chose : comment expliquer aux autres enfants le handicap. Si je dis ça, c’est parce que si ça a pu te froisser, ce n’était que maladresse sans volonté de blesser. Je crois bien que j’aurais pu demander la même chose par respect. Parce que c’est ton (votre) histoire et que c’est toi (vous) qui décidez de comment on en parle (ou pas). Douces pensées
Je n’ai aucun doute sur le fait que ça m’avait été demandé sans aucune intention de me blesser. Pourtant ça l’a fait. Je comprends très bien la démarche dans laquelle était cette enseignante, mais disons que la demande avait été trop frontale pour moi à cette époque là. J’avais juste mon fils de 3 ans qui rentrait à l’école, je ne connaissais d’ailleurs rien à l’école vu que c’est mon aîné et je ne voyais pas quoi dire. Maintenant je sais un peu mieux, mais parler du handicap n’est pas simple, surtout quand en + on ne rentre dans aucune « case » du handicap. Avec le recul, je lui dirais d’aborder de base la notion de différence, sans plus de précision, car je me suis rendue compte qu’à 3 ans les enfants n’ont pas forcément besoin de plus. Cette année, avec le CP, je voulais me présenter lors de la réunion de début d’années pour parler brièvement de mon fils et leur dire que si leurs enfants avaient des questions ils pouvaient me les poser. Sauf que je n’ai même pas été conviée à cette réunion de CP, alors…