Quand nous avons pris la décision de quitter la région parisienne pour déménager vers notre sud-ouest bien-aimé, j’étais totalement portée par ce projet. Très vite, j’ai profité du peu de forme que j’avais au début de ma grossesse pour déjà faire un maximum de cartons, afin de n’avoir à faire après la naissance des petits que les dernières choses indispensables. Une fois les garçons avec nous, notre déménagement s’est décidé assez rapidement et nous avons fini d’emballer notre vie dans les cartons avec diligence et joie.
Sauf sa chambre. La chambre de mon grand. Celle qui l’a vu arriver avec nous, celle qui l’a vu grandir. Cette pièce, je l’ai faite en tout dernier. Oui forcément, j’avais de bonnes raisons. Il venait d’être grand frère, on n’allait pas lui enlever tous ses repères en vidant sa chambre, non non, ça faisait beaucoup de changement, on allait faire ça tout à la fin. J’ai emballé quelques livres oui, les vêtements trop petits, 3-4 peluches avec lesquelles il ne jouait plus. Mais je n’ai pas touché aux meubles, pas touché à la décoration, pas touché à ses jouets. Tout a attendu le dernier moment. Je n’osais pas en fait. C’est la seule pièce pour laquelle j’avais un pincement au coeur, un très gros pincement…
Dire au-revoir à sa chambre, c’est dire au-revoir à un monde passé qui n’existera plus jamais. Je l’ai tellement rêvé sa chambre. J’en ai imaginé les moindres détails de sa décoration. J’y ai projeté tellement de choses. Ma vie de maman, ma vie de famille. Tout ce que j’imaginais, tout ce dont je rêvais, et qui n’arrivera pas. Pas comme je l’avais pensé. Cette chambre, c’est tout ce qu’il me restait de mon moi “d’avant”, mon moi qui pensait vivre une maternité plus ou moins sereine, plus ou moins facile, mais “dans les clous” vous voyez. Mais non. J’aimais tellement ça pourtant. Penser à la déco, à ses fringues, à ses jouets, sans jamais jamais aucune arrière-pensée sur quelle serait sa vie, car je n’avais aucun doute : elle allait être formidable. C’est tout ça que symbolisait sa chambre.
Pourtant cette chambre elle m’a fait du mal rapidement. Quand je suis rentrée à la maison après mon accouchement, seule. Quand je l’ai vu cette chambre, sans lui, sans mon bébé, qui n’était pourtant plus dans mon ventre, et que je pleurais dedans tous les jours en rentrant de la néonat. Quand il est enfin rentré, et qu’il m’a fallu pousser la déco sur son meuble pour rajouter une boite avec tous ses médicaments. Quand il a fallu décaler le lit de trois fois rien, même pas 1 cm, juste pour faire passer le pied de cette putain de sonde naso-gastrique pour la nutrition de nuit. Mais qu’elle me fasse du mal parce qu’on la vide, ça… je ne m’y attendais pas.
Qu’il est difficile de dire adieu.
Qu’il est difficile de laisser derrière soi une partie si essentielle de sa vie. L’avant. L’avant que je sois maman, avec l’envie de créer ma famille. L’avant d’avoir mon bébé dans les bras, avec ses petits coups réconfortants au creux du bide, comme pour me dire que quand il serait là tout irait bien. L’avant qu’on sache, quand lorsque je berçais mon tout petit qui pleurait je pensais “juste” que le début de sa vie était compliquée et que tout irait bien par la suite.
Nous avons fait les derniers cartons, avec l’aide enthousiaste de mon petit grand. Il a dormi une dernière fois dans sa toute première chambre. On est partis, on lui a recréé un nouvel univers ailleurs, et bien sûr vous vous en doutez je veux en soigner la décoration dans les moindres détails.
Moi, j’ai jeté un dernier coup d’oeil aux murs vides de sa chambre, et j’ai refermé la porte sur ma vie à jamais chamboulée. Il n’y aura jamais de retour.
4 comments
C’est un très bel article et je crois que j’imagine vraiment ce que tu veux dire, sans évidemment avoir traversé les mêmes traumatismes. Dire au revoir à notre moi d’avant, surtout quand il représente une certaine naïveté, ce n’est souvent pas évident.
Oui, on se rend compte qu’on fait le deuil de beaucoup de choses, plus qu’on ne l’aurait cru… Pour mieux renaître de ses cendres, du moins je l’espère quand même un peu…
Je préfère la nouvelle chambre, parce que vous êtes juste à côté maintenant et qu’on peut vous voir plus souvent et construire plein de souvenirs ensemble !
Tu es adorable Julien <3 Nul doute qu'il y aura de superbes souvenirs dans cette nouvelle maison ! 🙂