Au terme de nouveaux bilans pour mon petit chat, on ressort une nouvelle fois avec des compte-rendus mitigés. “Rien d’urgent, rien de grave, mais on surveille”. Alors on attends, encore. On note qu’il faudra prendre rendez-vous dans XX mois. Oui oui, on sait qu’on doit prendre rendez-vous avec le secrétariat 8 à 10 mois avant. On essayera de ne pas tomber en période de grève encore, mais bon, pas facile de prévoir. Oui oui, on note qu’il faudra faire une radio/scanner/IRM avant, et puis ensuite “on avisera”. Il y aura des prises en charge “banales” qui viendront s’ajouter aux autres. Il y aura peut-être des discussions plus compliquées, mais n’anticipons pas on verra bien. Je vois ma to-do médicale s’allonger encore et toujours, je m’embrouille dans les dates, je n’y vois plus clair, mais je dois tenir à jour tout cela. On en est à quoi ? 15-20 dates à retenir entre les dossiers à renvoyer, les bilans à demander, les rendez-vous à prendre, ceux déjà fixés auxquels il ne faudra pas oublier d’aller, les réunions à l’école. C’est rien tu te dis. Il faut le faire de toute façon hein.
Mais au final elle se niche où la douleur ? Dans l’attente. Dans l’expectative. Dans le “on ne sais pas, on va vérifier ça”. Et en attendant, tu feras tout pour que ça aille bien. Car c’est ton job. Depuis le jour où tu as vu ces 2 barres sur le test de grossesse, tu le sais que c’est ton job. Tu le sais d’autant plus depuis le jour où on t’a dit que ton gamin avait une maladie rare, parce que la culpabilité de l’avoir mis là sur notre terre elle est là et elle ne te lâche pas. Il n’a rien demandé lui, pas vrai ? Même que c’est lui le plus fort. Alors toi aussi tu dois être forte. Qu’importe que t’ai toujours dit que non c’était pas pour toi, que t’avais pas les épaules. T’es là et t’avance, de toute façon t’as toujours pas trouvé le moyen d’arrêter d’avancer, même si souvent – même tout le temps en fait – t’as envie. Tu peux pas juste.
Quand mon coeur se ratatine, je suis tiraillée. Entre mon rêve de la “normalité”, ce graal à la fois inaccessible et que je vis pourtant au quotidien avec mes autres enfants. Entre le “ça pourrait être pire” que je n’imagine trop bien. Car c’est ça aussi le milieu du handicap, de la maladie. Tu les as côtoyé ces enfants, ces parents. Qui eux connaissent la souffrance, les opérations à répétition, la mort aussi. Et toi t’es là, avec ta douleur parfois illégitime, mais ô combien réelle. Celle qui t’empêche de savourer ce que tu as. Celle qui te montre tous. les. putains. de. jours. ce que t’as pas. L’insouciance. Les lendemains qui sont parfois pourris bien sûr mais qui ne pleurent pas forcément. L’espoir. L’envie.
C’est quoi qui souffre quand ton enfant à toi ne souffre pas vraiment en fait ? Ton égo ? Ce n’est que ça alors ? Juste ton putain d’égo ? Quand je regarde ce tout petit déjà si grand, celui qui ne devait pas manger, pas sourire, qui pousse si fort et si bien, est-ce que j’ai le droit d’être si mal face à tout ça ? Ais-je le droit de ne pas avoir envie de digérer un “on ne sait pas on verra” alors que bordel il n’y a aucune raison que les choses tournent mal, alors qu’il y a tellement tellement de gens qui à ma place entendent un “on sait et ce n’est pas positif” ?
Depuis le diagnostic de mon fils, je me prépare. A quoi je ne sais pas, mais je prépare. Je lis, je me documente. Je cherche à comprendre bordel. Et si depuis sa naissance je sais que les difficultés se nichent là où on ne les attends pas, je ne sais toujours pas les encaisser. Pourtant “ça va”. Alors pourquoi moi, qui ne suis même pas malade, j’ai si mal ? Alors pourquoi moi je me sens incapable de te protéger mon petit chat ?
8 comments
L’attente, il me semble, c’est ce qui caractérise le plus la vie de parents d’enfants malades. On est toujours dans l’attente. On attend d’avoir un diagnostic, puis on attend de voir si les symptômes de la maladie seront plus ou moins forts, on attend de voir si l’enfant marchera, jouera, parlera, etc. Quand l’enfant commence à marcher, on se réjouit, bien sûr, mais ça faisait déjà tellement longtemps qu’on attendait qu’on en souffre en même temps. Et puis, on attend pour prendre les prochains rendez-vous, on attend de rencontrer les spécialistes… qui ne sont pas spécialistes d’une maladie si rare.
De toute façon, on n’a pas le choix, on ne peut pas mettre toute cette attente en pause. Ma plus grande angoisse est de me rendre compte qu’on aurait trop attendu pour mettre en place une thérapie et que les conséquences en soient irréversibles.
Courage !
Je te comprends tellement… Moi aussi j’ai l’angoisse de passer à côté de quelquechose, et en même temps je me demande parfois si ce n’est pas « trop » tout ça. L’équilibre est tellement tellement dur à trouver !
Je te comprends, je suis tellement désolée de te lire si désemparée… J’ai envie de te dire: Le soleil brille malgré tout ❤️
Merci <3 Je sais oui, j'avais besoin d'extérioriser cette nouvelle... En soi "jusque là ça va" mais ça m'épuise d'avoir encore un long tunnel d'attente devant nous...
L’attente, c’est le plus dur je trouve… parce qu’on ne peut rien faire de plus, et puis parce que « vu que ça va », beaucoup ne comprennent pas tes angoisses et tes coups de mou.
Je pense bien à toi, j’ai l’impression de ressortir du bilan de mon fils dans le même état que toi, je pense bien à vous, courage!
C’est exactement ça Justine, je trouve ça difficile de faire comprendre nos angoisses quand « mais ça va quand même, non ? ». Car à la fois personne ne peut comprendre le poids de cette attente et en même temps on culpabilise car on sait que ça pourrait « être pire »…
Je me retrouve dans chacun de tes mots. Courage, c’est tout ce que je peux dire ❤️
Merci, et courage à toi aussi <3