Article pas très amusant, je vous préviens. Je vous parlais la dernière fois de ce qu’est un thrombus, en tout cas ce que j’en ai compris, d’un point de vue médical. Là, je voulais plus vous parler du ressenti… et soyons clair, ce n’est pas un bon moment à passer. Je vais vous sortir le bateau « je ne suis pas chochotte, mais là »… clairement j’ai douillé. C’est la seule chose à retenir : la douleur, une douleur insoutenable.
Je vous ai raconté mon accouchement, en disant que déjà du temps passé en salle d’accouchement après l’arrivée de mon petit garçon, je ne m’en souvenais pas. Nous sommes restés pourtant bien 2 heures avant qu’on ne m’emmène à ma chambre, mais je ne me souviens de rien. J’imagine que je devais être fatiguée, logique après un accouchement en pleine nuit. Je me souviens qu’on m’a emmené dans ma chambre, une chambre double où une autre maman était déjà présente avec son bébé. Je me souviens avoir dit au-revoir à mon homme, qui allait téléphoner aux heureux grand-parents, et prendre un peu de repos chez nous. Juste avant de partir, je lui ai dit « tu peux me trouver une bouée ? ». Oui, drôle d’idée 😉 Je ne me sentais pas très bien, je voulais avoir les fesses surélevées en fait, je sentais une drôle de tension dans mon bas-ventre. Assez désagréable, et puis je voulais surtout dormir, j’étais tellement épuisée… J’ai du somnoler un peu, mais je sais surtout que j’avais mal. J’ai commencé à gémir, de plus en plus fort, au point que je me suis dis que je devais vraiment gonfler l’autre nana dans la chambre. J’imagine que les sage-femmes ont du venir, me parler, mais je ne me souviens de rien. Juste de la gynécologue qui m’a accouché, qui est revenu m’examiner, et j’ai entendu son « on file au bloc ». Je ne sais plus ce qu’on m’a expliqué à ce moment-là, c’est allé très vite. On m’a tendu mon portable, j’ai téléphoné à mon homme. Il a décroché, je lui ai dit en pleurant que j’allais me faire opérer, j’ai entendu son « ô putain », et la sage-femme m’a direct repris le téléphone pour lui expliquer la situation. Pendant ce temps là, on m’anesthésiait. J’ai donc été opérée de mon premier thrombus à 9h, 5h après mon accouchement, un hématome de 7*5 cm a été évacué. Tout s’est bien passé, j’ai eu de la chance car en fait ma pré-éclampsie se doublait un HELLP syndrôme (c’est une complication qui concerne 10% des pré-éclampsies, où tu as notamment le taux de plaquettes qui chute : bein oui hein, tant qu’à faire), mais je gardais un nombre de plaquettes suffisant pour pouvoir procéder à l’intervention.
Je ne me souviens pas m’être réveillée de cette première opération, ni de m’être sentie mieux. Aucun souvenir avant l’après-midi je dirais, et la douleur encore. Pire, bien pire que tout. Je me souviens que je pleurais, que je ne comprenais pas. Je voyais des médecins, des sage-femmes, mon mec, et personne qui m’aidait. Sûrement le moment le plus dur à vivre pour tout le monde. Je suppliais qu’on fasse quelquechose, qu’on calme la douleur, qu’on me rendorme. Je criais à tout le monde qu’on me laissait mourir. Je me souviens des larmes de mon homme, impuissant, qui me tenait la main. Et moi hystérique, avec juste la sensation de la douleur, le sentiment d’être abandonnée face à cette douleur. Le gynécologue qui était de garde ce week-end travaillait en fait à mon transfert dans un autre hôpital, car l’hématome s’était reformé tout de suite et il fallait procéder à un autre type d’intervention. Moi je le trouvais juste désagréable, à ne rien me dire et à ne pas m’aider. La sage-femme qui m’accompagnait dans cette épreuve, adorable, m’a donné un masque de gaz hilarant, pour calmer la douleur. J’avais toujours aussi mal au début, puis ça c’est calmé, ce qui m’a paniqué. J’ai dis que mon cœur s’arrêtait, si si, je le sentais, il s’arrête. J’ai aussi demandé ce qu’on me faisait respirer. Et quand on m’a dit que c’était du gaz hilarant, je me suis entendue dire très sérieusement que ça ne me faisait pas rire du tout. Mais à partir de là, la douleur était un peu plus supportable.
En fin d’après-midi, on m’a annoncé mon transfert vers un hôpital de niveau 3. Je crois que je n’ai même pas capté qu’on allait me réopérer, je me disais juste qu’il fallait que ça cesse. Au même moment, on annonçait à mon homme en néonat que mon fils n’allait pas bien, il faisait une détresse respiratoire, et lui aussi allait être transféré dans cet hôpital. Il est revenu me l’annoncer, j’ai pleuré. Je n’avais pas pensé à lui jusqu’à présent, ma douleur monopolisait mes pensées, mais là qu’elle était un peu sous contrôle… C’était un cauchemar, comment était-il possible qu’on aille si mal tous les 2 ? Je refusais d’y croire, ça devait aller bien pour mon fils, c’était obligatoire ! Nos ambulances sont arrivées, chacune la nôtre… Et mon homme qui allait nous suivre à part. Je me souviens des mecs du SAMU, lourds, qui faisaient des blagues nulles et me demandaient pourquoi je ne voulais pas rire avec eux. J’ai balbutié que j’avais mal quand même. Je sais que j’ai eu ma maman au téléphone, qui appelait juste pour prendre mes impressions de jeune maman… et qui a eu la « bonne surprise » d’avoir sa fille totalement shootée, qui lui annonçait que ça n’allait pas vraiment… J’ai aussi eu mon meilleur pote, en mode « je vais crever, occupe toi bien de mon homme ». Oui, on ne devrait pas nous laisser nos portables dans ce genre de situation. Désolée les gars si je vous ai fait peur. En vrai, j’avais bien les boules aussi.
A l’arrivée à l’autre hôpital, j’ai été accueillie par une médecin extrêmement sympathique, qui m’a expliqué qu’on allait m’anesthésier, me faire une révision utérine, me réveiller, me faire une anesthésie locale, faire une embolisation des artères, me refaire une anesthésie totale, me ré-opérer. Chouette programme. Je me souviens avoir demandé pourquoi ils ne m’endormaient pas une bonne fois pour toute, je ne me souviens pas de la réponse mais je sais que je ne l’avais pas trouvée très convaincante. Au moins, sur le moment, la douleur n’était plus insoutenable. Mais j’étais seule, et ça ça me faisait un peu peur. Je me souviens un peu de l’embolisation, une drôle de sensation, et moi totalement défoncée de dire « waouh, ça a l’air super minutieux ce que vous faites ». Ça les a fait marrer, mais je vous jure ça n’avait pas l’air rien à faire, j’étais admirative (shootée, mais admirative). J’ai ensuite été réopérée d’un thrombus de 15*8cm cette fois, et transfusée parce que mine de rien ça commençait à faire beaucoup. Je ne sais pas tout le détail, mais on m’a dit qu’un à un moment, malgré l’embolisation, ils n’arrivaient pas à endiguer le saignement. Ce qui est quelque peu problématique hein, car si ça ne s’arrête pas au bout d’un moment forcément ton pronostic vital il passe un peu à la trappe. Bon. J’imagine qu’il y a du y avoir une petite période de flottement, je préfère ne pas y penser trop, mais globalement ça a fini par se calmer.
Je me suis réveillée le lendemain matin, en salle de réveil. Sans douleur, enfin. 1 jour après mon accouchement, et je n’avais toujours pas revu mon fils.
Pour lire la suite, c’est ici.
Les autres articles sur mon accouchement :
- Parler de son accouchement
- Le jour d’avant
- Mon accouchement déclenché
- Notre rencontre avec bébé
- Thrombus post-accouchement : c’est quoi ?
- Thrombus post-accouchement : et après ?
- Je n’en veux à personne
9 comments
Mon Dieu… Ton récit me glace le sang… Mon éclampsie, c’est une promenade de santé à côté. Tu as été très courageuse <3
Ô bein écoute, j’ai lu ton histoire aussi et je n’ai pas trouvé ça réjouissant réjouissant non plus, donc promenade de santé c’est probablement un peu fort ^^
Ma pauvre… Comme ça a dû être difficile à vivre ! 🙁 Une bien triste façon de devenir maman… Je n’imagine même pas à quel point la douleur que tu as dû ressentir était forte. Tu as été très courageuse !
Je ne pense pas qu’il s’agisse de courage, globalement à part attendre que ça passe, il n’y a rien à faire… On se sent très impuissant, et je pense qurtout que le plus dur a été pour mon homme qui nous voyaient décliner le bébé et moi et ne pouvait rien faire du tout…
Oui c’est vrai, c’est un peu comme lorsque les gens de notre entourage ont dit qu’on avait été courageux de gérer la prématurité et l’hospitalisation de notre bébé loin de tous (car nos familles vivent à 1 000km de chez nous et ne pouvaient pas venir). En même temps c’est pareil, ça nous est tombé dessus et on ne pouvait rien faire d’autre qu’affronter la situation… C’était notre devoir en tant que parents que d’aller auprès de notre enfant.
Mais bon même si tu n’as pas eu le choix et que tu étais contrainte d’attendre que ça passe, vu la souffrance que tu as connue je te trouve quand-même très forte ! Ça devait être horrible et comme tu dis, le pire ce devait être pour ton homme qui ne comprenait pas ce qu’ils vous arrivait au bébé et à toi :-S
<3 puissance mille pour ton courage et le vôtre. Ce qui vous est arrivé est effroyable.
J'ai réalisé la chance que j'avais de savoir ma fille en bonne santé et de pouvoir me concentrer sur moi, si j'ose dire… et à lire ton récit, et pourtant je savais, j'ai juste envie de bénir la chance que j'ai eue et de louer votre courage encore une fois.
Pas de vraiment de courage dans tout ça, pas de mon côté en tout cas… Tu sais ce que c’est, à part attendre et se concentrer sur la douleur… Mais pour mon homme, mille fois oui, je ne sais pas comment il a fait pour survivre seul à cette journée. Je pense que le récit le plus difficile, ça ne serait pas celui de mon fils, ni le mien, mais bien le sien. Rien que d’imaginer qu’il est venu seul en voiture jusqu’à l’hôpital qui allait nous accueillir, j’en ai des angoisses !
J’ai vécu il y a 8 ans cette douleur causée par le thrombus pelvien des suites de mon accouchement et en découvrant votre douleur et le terme « excrucifiante », je me souviens de l’atrocité, des larmes viennent car j’ai trop souffert, ensuite aussi différemment d’avoir été privée de l’émerveillement de la naissance de ma fille chérie. Par chance, vous et moi avons survécu et toutes les deux, sommes parvenues à avoir un/des autres enfants ce qui est très rare. Une pensée émue pour celles qui n’ont pas eu notre chance et leur famille et un mot d’ordre : mesdames accouchez à l’hôpital.
Merci pour votre témoignage Esther <3 C'est des situations qu'on n'imagine tellement pas vivre...