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8h53. Je pense à notre planning de commencer la classe à 9h. Je vais d’abord me resservir un double espresso. Je réalise que les enfants sont en train de jouer en retournant tout MAIS sans solliciter ma participation active. Je décide donc de retarder l’heure de l’entrée à l’école jusqu’à ce qu’ils se souviennent que j’existe ou que je pète un plomb à force de les entendre sauter sur le canapé et jeter les coussins sur le chat.
Du temps pour moi. J’en profite pour checker mes mails, en pensant à toutes mes velléités de boulot / formation / recherches qui sont au stand-by. Je repense aux opportunités qui sont tombées à confinement moins 3 jours. Toujours le sens du timing avec moi. J’ai très envie de retourner sous ma couette en pleurant.
Mais en parlant de couette, j’ai du linge qui m’attends. Avec le confinement, je pense que ma machine à laver va écrire à Macron pour que les gosses retournent en collectivité avant que nous même on craque, c’est dire. J’en profite pour réfléchir aux activités du jour. Pour mon grand : travailler les sons et les syllabes, faire un peu de maths, trouver un moment de le motiver au graphisme. Pour les petits : trouver une activité qui les occupe assez longtemps pour me laisser du temps pour faire ce que viens d’imaginer pour mon grand. A confinement + trop de jours, je commence à manquer d’idées.
9h27. “Les garçons, on vient s’habiller !”. J’entends un “non” collectif, suivi de plusieurs “non” individuels complétés de “d’abord lui”. Je prépare les vêtements, leggings / sweats, on veut du pratique qui s’enfile vite. Les appeler 17 fois tout en ramassant les jouets qui “promis” ont pourtant été rangés la veille. A croire qu’ils ont une vie débridée la nuit ces jouets. Prendre les livres et les poser en tas, il y a longtemps que je ne les place plus dans les bacs qui sont vidés 6 fois/jour. Ramasser une page déchirée pour la mettre de côté pour la rescotcher. “Les garçons, on vient s’habiller maintenant, je vais me fâcher”. Le grand arrive, négocie de ne pas être le premier mais finit quand même par s’y mettre. Un des petits débarque cul nu en courant, mais refuse d’enlever le haut de pyjama et ne veut pas me dire où il a mis le bas. Le second s’assoit en prenant un livre (celui tout au fond de la pile) et en soufflant quand je lui demande de s’habiller, hé ho quand même on ne va pas y passer la matinée. J’enfile les chaussettes au grand, j’attrape le cul nu qui est mort de rire pour lui passer un caleçon et une chaussette mais il s’échappe en rigolant. J’en profite pour prendre le troisième par surprise en lui retirant son haut de pyjama, mais “mamaaaaaaaaaaan, non, je fais tout seul !”. Ah. Je voyais surtout que tu ne faisais pas. Le cul nu qui n’est désormais plus cul nu revient en hurlant “super héros transfooooormatioooon”, je l’attrape au vol et enfile le reste des vêtements. Sauf la deuxième chaussette, désormais introuvable. J’en prends une autre au hasard.
Celui qui voulait s’habiller tout seul en est au même point, c’est-à-dire à moitié en pyj. Je lui enfile ses fringues pendant qu’il pleure en disant que je suis méchante.
9h48, je suis crevée. Je leur dit que je vais me préparer à mon tour et faire mon sport. Enfin, “mon sport”. Je fantasme de profiter de ce confinement pour me coller devant un live YouTube pour faire une séance de bodyfit pilate thaïlandais, mais en vrai je m’allonge sur mon tapis de salle de bain pour faire des abdos. Abdos que je m’impose car bien entendu je devais commencer la kiné la semaine du confinement pour lutter contre mon mal de dos qui est devenu chronique et vraiment douloureux au quotidien. Alors les abdos, c’est mieux que rien pour tenir un peu tout ça. Tiens au fait, j’ai pris mon traitement ?
Le grand me demande de la musique. Ok, tu veux quoi ? “La musique de la reine des neiges”. Je lui demande s’il est sûr, s’il ne veut pas plutôt sa playlist qui, même si je ne cautionne pas tous ses choix musicaux, a le mérite de ne pas me mettre “Libérée, délivrée” dans la tête pour toute la journée. Oui, il est sûr. Je n’insiste pas trop, car je sais que j’ai aussi évité Chantal Goya. Va pour “Libérée délivrée” donc. “Non, je veux celle avec tout le monde qui chante”. Zut, c’est laquelle celle là déjà ?
Abdos + douche + habillage. 10h12. Je descends, vite la machine à laver, lance le sèche-linge, reremplis une machine. Je préviens les garçons qui jouent dans la salle de jeux “On commence l’école bientôt hein”. J’entends un magnifique “oui maman” en chœur. Je suis fière. Tellement sages ces enfants. Avant de s’y mettre, je monte l’aspirateur-robot dans ma chambre, mets sur le bureau les 2-3 trucs qui traînent et lance la bête. Temps de l’opération = approximativement 3 minutes. C’est calme en bas.
Des pas dans l’escalier.
G. “maman vient voir, les petits frères font une grooooooosse bêtise”. Descendre et gueuler. Pense-bête : mettre désormais en hauteur le chocolat en poudre et les céréales qui sont manifestement désormais tout à fait accessibles pour des petites personnes de 95 cm environ pour peu qu’ils trouvent la taille adéquate de tabouret. Qu’ils ont trouvé manifestement.
“Oui mais nous maman on voulait un petit-déjeuner”. Je me demande s’il est possible de faire une visio avec un pédopsy pour parler de cette obsession du petit-déjeuner. Je leur fait sortir la pelle et la balayette. Ils courent au placard et se battent pour l’avoir, “c’est moiiiii”, “nooooon, c’est moi”. Je gueule encore et leur prend des mains pour nettoyer moi-même.
“Dépêche toi maman, c’est trop long, c’est l’heure de l’école à la maison”. Je respire un grand coup.
10h31. Allez zou, j’appelle le responsable du jour qui agite des grelots en criant “c’est l’heure de l’écoooooooole”. On s’installe sur la table, mon grand devant ses maths, les petits devant les feuilles de coloriage imprimées hier soir à 23h47. “Les garçons maintenant on fait du coloriage sur le thème des poissons, les maîtresses ont dit qu’on travaillait sur les poissons”. F. se met à chouiner “nooooon, moi je veux faire du travail comme G.”. B. se met à chouiner “non moi je veux faire du playmais”. G. me dit “on travaille maman ?”.
J’impose un peu de coloriage quand même pendant que je commence à expliquer les consignes à mon grand. “Là tu comptes les animaux, ensuite les points et après tu mets le chiffre d’accord ?”. G. “Oui maman, d’accord, je vais biiiiiiiiien travailler”.
2 minutes plus tard, les petits me font comprendre qu’ils n’en ont rien à péter des poissons. Je sors le playmais, mouille les éponges. Bagarre pour savoir qui aura la verte qui aura la rose. B. “non mais en fait je veux la bleue”. J’explique que c’est-à-dire que non là je ne l’ai pas sorti et c’est celle là. Il m’explique qu’il sait qu’elle est dans le placard et qu’il peut très bien la chercher. Je tiens bon. C’est que j’ai des principes.
Je retourne vers mon grand. Vas y mon chéri. On travaille, je réexplique, m’énerve, lui demande de se concentrer. “Attends maman, je vais faire pipi”. Ok, va. En face, F. s’est lancé dans une grande construction en découpant ses playmais. B. en a posé 3 et est parti jouer avec ses Pat’Patrouille.
Mon grand revient, on reprend, il pige le truc et avance. Fierté. Je lui demande de continuer seul et part dans la salle de jeux négocier avec B. de venir reprendre l’activité. Echec. “Non mais maman tu sais moi les playmais, des fois j’aimeeee, des fois j’aime paaaas”. Tant pis. Je reviens et vois que mon grand a fini tout son exercice sans aide, et en réussissant à tout assembler. Fierté maximale.
B. vient voir le travail de son frère et lui dit “Bravooooo G.”. Le grand en peut plus de fierté “tu peux m’applaudir aussi ?”. Le petit s’exécute. En face, F. nous dit “vous faites trop de bruit je ne peux pas me concentrer, pffff”. A imaginer avec moue boudeuse et main sur le menton. B. décide de se remettre au playmais mais uniquement en piquant ceux de son frère. Hurlements, intervention maternelle musclée car mine de rien on est là pour bosser, retour au calme.
11h46. Je demande au responsable de sonner “c’est l’heure de la récréatioooooooon”. J’envois tout ce petit monde dehors pour s’aérer. F. ne veut pas, il fait un château de playmais, “c’est mon travail maman, je construis un chantier”. G. mets son manteau et file dehors. Je le rappelle pour lui demander de mettre des chaussures quand même… B. chouine car il n’arrive pas à attraper son manteau. Je l’aide. B. chouine car il n’arrive pas à mettre son manteau. Je l’aide. B. chouine car il n’essaye même pas de mettre ses chaussures. Je l’aide. Je repense à mes grands principes sur l’apprentissage de l’autonomie, puis je me redis que je n’ai pas envie de perdre 6 précieuses minutes d’un temps calme pour moi. On verra plus tard. Il est prêt et sort.
J’allume la machine à café, remets mon mug. Je m’asseois avec mon café chaud et porte me mug à mes lèvres. F. “Mamaaan ? Tu viens te mettre à côté de moi pour voir ma construction ?”. Je soupire, m’installe à côté de lui. Je ne peux pas m’empêcher d’admirer son sérieux et sa concentration face à tout ça. Il est heureux comme tout, m’explique en détail son plan qui me laisse parfois un peu pantoise “là maman c’est des bonhommes, là un mur, là un pont et là un caca et là des poissons”) et replace quelques morceaux (de caca). “Voilà, on le laisse là, je vais finir hier d’accord, je vais dehors”. Il se lève et renverse le pot de 1000 playmais. “C’est pas grave maman” et il file dehors. Celui là mets ses chaussures et son manteau plus vite que la lumière lui par contre…
11h55. Une fois tous les playmais ramassés, je jette un coup d’oeil dehors. Tout va bien. Ils ont chacun un vélo, chacune trottinette, chacun une pelle et se disputent tous la même. Bref, tout est normal.
J’en profite pour ranger les activités, faire la vaisselle du matin, passer l’aspirateur pour ramasser d’autres miettes de biscottes réapparues d’on ne sait où. Je vide le sèche-linge, vide la machine à laver, reremplis le sèche-linge. B. arrive en courant. Je râle “je t’ai dit 1000 fois de ne pas rentrer avec tes bottes ! Mais d’ailleurs, pourquoi tu as enlevé tes chaussures pour mettre tes bottes ???”. Il veut que je le suive pour voir leur super parcours. Ils se sont mis des seaux, des cerceaux et roulent autour avec leurs vélos. Fierté maternelle.
F. pédale à toute vitesse, virage serré, les petits roues heurtent notre vieille table en bois qui nous sert de table de jardin. Table qui couine et s’effondre sur le grillage, pied arraché. L’enfant hurle “j’ai pas fait exprèèèèèès !”. Je le rassure : “tu sais, c’était une vieille table, elle allait de toute façon casser”. Ce qui est vrai. Je ne peux pas m’empêcher de me dire dans ma tête que s’il n’avait pas foncé dessus elle aurait pu nous tenir encore les beaux jours cette année. Au moins jusqu’à la fin du confinement quoi… Je pousse la table sur le côté, pas facile de faire en sorte qu’elle n’encombre pas leur circuit qui occupe l’intégralité de notre jardin de 8m2. Elle restera là, je ne pense pas qu’on pourra aller à la déchetterie d’ici peu… Bon, tant pis.
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2 comments
J’ai envie de dire Waouh et Pff en même temps.
Voilà qui me fait bien réaliser que j’ai de la chance d’avoir qu’un seul enfant et que j’ai encore plus de chance qu’il soit trop petit pour aller à l’école.
J’avoue que dit comme ça tu me fais rêver ^^