Quand je vous dis que cette hospitalisation ça me travaille, je ne vous mens pas. Je me suis surprise à retrouver d’anciennes bribes de billets, écrites sans véritable but il y a des mois de ça, juste pour évacuer ce que j’avais dans la tête. Et forcément, à quelques heures de retourner dans une chambre d’hôpital pour mon petit chat, j’y pense. J’y pense car je ne sais pas exactement comment ça va se passer la nuit là-bas, si il y a une place pour moi, je pense, mais j’ai oublié de poser la question avant. Parce que je ne veux pas passer la nuit là-bas. Et je ne veux pas laisser mon fils tout seul. Dilemme insoluble.
Je n’ai pas dormi avec lui pendant tous ses premiers jours de vie. Je n’ai pas eu ce moment à la maternité où on a ce minuscule berceau en plastique moche juste à côté. Ce moment où j’imagine qu’on est épuisée, qu’on veut dormir, mais où on ne peut pas s’empêcher d’admirer la petite merveille qu’on a juste à côté de soi. Je ne l’ai revu qu’après 3 jours, et pendant ses 5 semaines de néonat il n’était pas avec nous toutes les nuits. J’évitais d’y penser, tout simplement. Car c’était comme ça, car on ne pouvait pas faire autrement, car je devais moi aussi m’en remettre, alors…
Juste avant sa sortie, on l’a mis dans une toute petite chambre. Et on m’a installé un lit de camp la veille, pour que je puisse y passer la nuit. Je n’étais pas encore très en état, mais qu’importe : j’y tenais tellement à cette nuit tous les deux, à l’hôpital, à gérer “pour de vrai”. La néonat n’est pas la maternité, mais je voulais faire “comme si”. Je n’ai pas trop dormi, j’ai trouvé le réveil de nuit difficile, mais j’étais heureuse. Je pensais au lendemain, enfin il allait rentrer à la maison, on serait tous les 3, tout irait mieux. Et puis finalement, il n’est pas sorti. Une infection venue d’on ne sait où l’a fait rester une semaine de plus. Je ne suis plus restée dormir. Je ne voulais plus, j’avais l’impression que c’était ma faute, que si je restais une nuit encore ça allait le faire rester éternellement.
Cette fameuse soirée où tout a basculé, on est allés aux urgences. A 4h du matin, pendant que je pleurais toutes les larmes de mon corps quand mon petit chat s’était enfin endormi, épuisé de douleurs et abruti de morphine et autres, on nous a gentiment conseillé de rentrer. Que ça ne servait à rien de rester, qu’il fallait qu’on se repose, et que lui aussi. On est rentrés. Après son transfert à Necker, je suis restée. 1 nuit. 2 nuits. 3 nuits… Puis on m’a plus ou moins foutue dehors, pour mon bien. Je pleurais trop, tout le temps. On m’a expliqué : mon fils était sous sonde, il était sous surveillance, moi j’avais besoin de me reposer mieux, on ne se repose pas vraiment à l’hôpital. C’était vrai. Ils avaient raison. Je suis rentrée. Je ne suis plus jamais revenue passer la nuit. J’étais là très tôt. Je partais tard, le cœur en miettes à l’idée de le laisser.
La culpabilité de l’avoir laissé seul toutes ces nuits est toujours là. Mon si petit. Et si il pleurait la nuit, qui venait le bercer, le câliner, le consoler ? Lui dire que tout irait bien ? Je sais qu’il y avait des équipes qui s’en occupaient bien. Mais elles ne venaient pas dans la seconde bien entendu… Je me dis que j’aurais dû être là pour lui. La réalité, c’est pourtant que c’est impossible. Je les ai vus les autres parents. Ceux qui restent dormir, et ceux qui ne restent pas. Les premiers sont là pour quelques jours, une gastro trop forte, une mauvaise bronchiolite, et ils s’en vont, rassurés, l’épreuve surmontée. Les autres sont là pendant des jours et des jours, partis pour un autre voyage. Ils ne s’en vont pas rassurés. Ils ne restent pas dormir, ou si peu.
Je n’ai pas dormi avec lui, et je m’en veux encore. Cette nuit, je dormirais à l’hôpitali. Parce que ce n’est qu’une nuit ou deux, parce que je pense que ça ira. Mais je penserais à toutes ces autres fois.
6 comments
Chachou !!!!! Non ! Ne te fais pas mal avec la culpabilité !!! C’est une garce ce sentiment !!! Et c’est justement pour être et rester une super maman que tu es rentrée dormir. Une super maman épuisée est un peu moins performante… Tu ne l’as pas bercé la nuit pour mieux le bercer le jour. Ok ? C’est clair ? Ça va mieux ?
Des millions de bisous
Merci pour ton message <3 Je sais que tu as raison, mais c'est tellement dur à l'hôpital d'entendre les enfants pleurer quand ils sont "tout seuls" que forcément, tu imagines que le tien a aussi été seul dans sa chambre à pleurer à un moment donné...
C’est un article qui prend à la gorge, tres triste, très bien écrit. J’espère que ces souvenirs pénibles s’estomperont avec le temps au rythme des bons souvenirs accumulés avec ton fils.
Merci <3 Oui, j'y repense rarement à tout ça, là c'est vraiment cette "petite" hospitalisation qui a fait tout remonter à la surface !
Pas facile de t’écrire quelque chose de « juste », mais un petit mot de courage et de soutien. Tu es tout ce dont a besoin ton fils, et il a une sacrée chance de t’avoir. Pansez doucement vos blessures par des câlins tout doux. Des pensées.
Merci <3 <3