Je ne sais pas quand les choses ont commencé à aller mal. Quand j’ai commencé à perdre cette foi inébranlable en l’avenir que j’avais à l’adolescence, cette sensation que tout était possible, que tout était ouvert. Que la volonté, l’envie, la motivation, l’esprit ouvraient la plupart des portes. Oui, mon petit côté cynique et ironique était déjà là, mais plus joyeux, plus impertinent. Moins désabusé.
L’âge adulte, le vrai, est compliqué en fait. C’est dur de tenir la longueur sur l’enthousiasme, de maintenir ouvert le champ des possibles. J’ai commencé à ne plus trop regarder les informations, il y a quelques années déjà. A être un peu défaitiste sur certains problèmes “du monde”. Oui, les débats entre potes étaient toujours là, sans idéalisme forcené car ce n’est pas notre genre, mais quand même avec des volontés, des idées, des paradoxes. Pas d’actions concrètes, mais au moins quelques valeurs fortes, un peu d’idéalisme, des moments de passions qui subsistent mais qui faiblissent. Mais le quotidien, les difficultés, l’égoïsme. Rien de grave en soi. Juste de moins en moins la force de s’ajouter “en +” la réflexion sur un monde complexe, sur lequel il faudrait s’interroger longuement pour en comprendre les tenants et les aboutissants. Un monde qui ne nous plaît pas vraiment au final. Les radicalisations. Les inégalités. Les différences. Les guerres civiles. Et pour notre plus petit nombril français. La montée du FN. Les débats à la con autour du mariage pour tous. La remise en question de valeurs qui sont pour toi juste du bon sens. Alors j’ai souvent eu envie d’y tourner le dos, de m’enfermer dans mon monde.
Aujourd’hui, l’actualité et ma vie personnelle se télescopent trop pour que je puisse continuer comme ça. Pendant les attentats de Charlie hebdo, j’avais mon fils, mon tout petit, 3 mois et demi, dans les bras, toute la journée. Mon fils qui sortait d’une longue hospitalisation, qui commençait l’HAD, le choc non encore surmonté, la tête dans le guidon. A la télé en boucle, la liberté d’expression bafouée. L’incompréhension, l’anesthésie des sentiments, l’incrédulité. Et vendredi dernier, encore. Des attentats “chez moi”, dans mon microcosme de bobo parisien trentenaire. Et toujours mon fils, mon tout petit un peu moins petit. Avec un diagnostic posé depuis quelques jours seulement. Un avenir incertain. C’était trop, c’était trop depuis longtemps déjà, ça a fait trop.
Aujourd’hui, je ne sais pas sur quoi m’appuyer. Je ne sais pas en tant que mère, car trop de choses vont mal depuis trop longtemps. Je ne sais pas en tant que citoyenne, car j’ai l’impression que le socle de valeurs qui forge ma vision du monde est posé sur des sables mouvants. Qu’est-ce qu’on peut tenir fermement pour acquis aujourd’hui ? En quoi est-ce qu’on peut croire, en quoi est-ce que je peux croire, pour la suite ?
Les heures sombres sont là. Elles sont là pour toute une Nation. Et comme un électrochoc, elles m’ont fait réaliser qu’elles sont sur moi depuis longtemps, et que je me débats dans le noir sans la moindre idée de comment en sortir. Petite personne et conscience collective, un paradoxe qui rajoute une dose de complexité. Je me demande si le champ des possibles est encore fertile.
Je fais quoi maintenant ?
9 comments
Tu continues à croire non? À avoir foi en l’humanité! Pour que, malgré les épreuves que vous vivez avec votre fils, malgré les épreuves douloureuses que nous traversons actuellement, vous lui offriez l’insouciance et la volonté de faire de notre monde quelque chose de meilleur, de plus tolérant, bourré d’optimisme!
Parce que tout est toujours possible, tout est toujours ouvert à ceux qui s’acharne à vouloir y croire 🙂
J’adore ta manière de voir les choses Bérange 🙂 Aujourd’hui j’ai totalement perdu ça, j’ai l’impression que je ne peux plus croire à l’insouciance… Si déjà un peu de légèreté pourrait revenir, ça serait bien. Il faut réussir à repousser cette lourdeur ambiante, et là clairement je me dis que mes petits bras non musclés manquent de force 😉
Tente de garder le sourire jolie Charlotte, et trouve l’amour auprès de tous ceux qui peuvent t’en donner. Ne pas baisser les bras, c’est le plus difficile, mais la clé de notre réussite . De tout cœur avec toi. Courage!
Merci Nathalie <3
Tu avances, parcequ’on a pas le choix ,
Tu avances, pour ton chéri, pour ton choupinet, pour toi,
Tu avances parceque l’humanité commence c’est aussi chacun de nous,
Pas besoin de croire en un Dieu, un être supérieur, ou à un ensemble de personnes.
Tu avances, parceque c’est ça le but éphémère de notre vie.
Je te fais plein de bisous
Pasquis la terre à terre.
En vrai, je trouve ça triste d’avancer parce qu’on n’a pas le choix…
En fait non, chaque jour est une victoire face à la vie.
Après, je ne peux pas te dire que je sois quelqu’un d’optimiste, mais ce qui est sur c’est que je ne suis pas pessimiste . En fait, le négatif me rend forte, parceque ça me fait avancer, toujours, et je cherche le positif de chaque chose, comme le premier sourire de ton fils.
Et puis quand ça va pas, j’appelle, ma sœur, ma super potes se, je parle avec mon nhom, mon fils… Je dis pas trouver à chaque fois du réconfort par rapport à mes problèmes, mais j’ai plaisir à parler avec eux, savoir comment il vont.
Je sais pas, après chacun sa façon. Il m’est arrivée de sombrer dans la déprime, et puis petit à petit je me suis battue, et chaque petit pas vers la lumière était ma petite victoire. Depuis je le fais au quotidien. Ok il y a du mauvais, mais je pense toujours au petit point positif. Aujourd’hui, c’était la découverte d’un nouveau thé… Demain une nouvelle mimique de Gabin.
Courage ma jolie crevette, moi j’ai foi en toi, en vous.
C’est bourré de fautes… Désolée
Oui je comprends ton parallèle. Notre pauvre monde est peut-être bien aussi malade dans ses gènes…Ces derniers jours comme beaucoup j’ai scruté la toile et les infos en me demandant pourquoi et comment on en était arrivé là. Tout comme j’imagine vous l’avez fait à l’annonce du diagnostique. J’ai écouté les experts nous exposer leurs solutions comme tu t’es pendue au paroles des médecins. J’ai paniqué et je me suis demandé ce que notre monde allait devenir. Et puis ces derniers jours, j’ai vu les Parisiens reprendre petit à petit le chemin des terrasses de café, plus seulement comme un signe de résistance mais simplement par ce qu’ils aiment ça. Et je t’ai vu toi, prendre ton fils dans tes bras et lui sourire, pas parce que c’est ton devoir de mère,mais simplement par ce que tu l’aimes…C’est vrai, on ne sait pas de quoi demain sera fait, et il faut l’accepter. Et l’accepter c’est aussi se dire que la vie peut aussi nous réserver des bonheurs qu’on attendait pas ou plus. Et tu en auras. Vous en aurez. Et parce que tu sauras les apprécier et en faire profiter les autres (notamment via ce blog), tu contribueras aussi à rendre notre monde un tout petit peu moins malade…