Bébé, les livres et moi

Depuis toujours, j’adore lire, j’adore les livres. Je suis une grande lectrice (vous le savez si vous suivez peut-être mes chroniques littéraires sur Culture déconfiture), et clairement je n’imagine pas ma vie sans lecture. Et au-delà de ça, j’aime les beaux-livres, j’ai une bibliothèque importante et j’ai beaucoup de livres que je considère comme des beaux objets, que j’aime regarder, feuilleter. C’est donc vraiment quelquechose d’extrêmement important pour moi.

Quand j’étais enceinte de mon petit chat, j’ai commencé à acquérir pas mal de livres bébé. Et connaissant mes goûts, on m’en a offert plusieurs, d’autant que nous avions bien blindé la liste de naissance de livres ^^ Il faut dire que j’ai toujours trouvé qu’il existait de très beaux livres dans les rayons jeunesse, de jolies séries, des très beaux pop-ups, des dessins raffinés… Ayant été beaucoup marqué dans ma jeunesse par quelques beaux livres/belles histoires, je voulais absolument que mon fils puisse bénéficier de la même émotion. Il était donc évident pour moi qu’il allait avoir une grande bibliothèque !

Et puis un jour, on m’a annoncé que mon fils était probablement aveugle. Le choc a été terrible. Je me souviens être rentrée à la maison quelques jours plus tard, et avoir pleuré devant sa bibliothèque naissante. Il ne verrait jamais ses livres ? Comment faire le deuil de partager des émotions visuelles avec lui, sachant que c’est probablement ce qui moi me porte le plus ? Pendant les quelques mois qui ont suivi, je n’ai plus acheté de livres pour bébé, et je ne lui ai même pas vraiment fait la lecture. Je lui faisais toucher parfois certains livres “à textures”, mais ça s’arrêtait là. On a écouté beaucoup plus de musiques, beaucoup plus de comptines. C’était autre chose, je me sentais moins en phase. Heureusement son papa est mélomane, et il lui a beaucoup transmis de ce côté.

Et finalement, pas de handicap visuel… Et l’annonce du diagnostic ensuite… La vie chamboulée, et encore chamboulée. Et ce petit rien, si important pour moi, mon rapport aux livres bébé et ce que je voulais pour mon fils, encore remis en question.

Aujourd’hui, où nous en sommes ? Mon fils adore les livres. Il adore l’objet. Il adore le manipuler, tourner les pages, nous le donner, appuyer sur les boutons qui font des sons, toucher les textures, soulever (ou déchirer 😉 ) les petits pop-ups. Il n’écoute pas vraiment les histoires, il ne me montre pas les bonhommes. C’est autre chose. On “travaille” beaucoup avec les livres, je répète beaucoup pour l’aider à s’imprégner, mais je le laisse aussi explorer encore et encore l’objet en tant que tel. Je suis heureuse qu’il les aime ses livres, même si pour l’instant c’est d’une façon différente que ce que je m’imaginais.

Je m’autorise un peu plus désormais. A racheter des livres. A lui présenter, à lui lire un peu des histoires. Mais surtout, je l’accompagne dans son besoin tactile concernant les livres, je le laisse manipuler, toucher, jeter, me donner, ranger, déranger. Je me suis toujours dis qu’aimer les livres, c’est aussi ne pas en avoir peur, ne pas avoir peur de sortir un livre de son rayonnage et de déranger une bibliothèque. Oui, parfois je suis un peu mélancolique de voir qu’il ne m’écoute pas vraiment dans mes lectures, qu’il ne s’imprègne pas encore des personnages, des histoires… Mais ça viendra… Et déjà, il aime les livres, et je peux partager ça avec lui.