2 ans. 2 ans que “nous savons” précisément de quoi souffre notre fils aîné. C’est une période qui ne devrait pas être si importante, le combat a de toute façon commencé à sa naissance, et même avant rétrospectivement. Et pourtant. Une nouvelle fois, novembre s’est amené et ma tristesse a grandi. Je n’ai pas réalisé, comme l’année dernière, et puis le “ah oui c’est vrai” qui s’impose. Je n’aime plus novembre, moi qui aimait tellement le mois de mon anniversaire. Mais ça aussi c’est derrière moi.
Une nouvelle année passée et le constat, toujours le même. Je ne vais pas bien. Je pense que ça n’ira plus jamais bien. Je suis toujours aussi seule, aussi recroquevillée dans ma douleur que les autres comprennent de moins en moins. Comme si le fait d’avoir un petit garçon qui s’épanouit devait panser toutes mes blessures. Vous pensez que je ne le sais pas ? Vous ne pensez pas que je ne suis que fierté de le voir évoluer, de le voir nous épater, de le voir devenir ce qu’il n’aurait jamais dû devenir ? Bien sûr que si. Mais vous pensez que pour autant j’oublie son syndrôme ? Vous pensez que je n’en crève pas jour après jour de ne pas savoir de quoi sera fait l’avenir ? Vous ne pensez pas que je n’en peux plus d’être si malheureuse alors que la vie avec mes 3 garçons est si belle ? Bien sûr que si.
J’ai toujours pensé que j’allais “vers le pire”. La vie avec un bébé atteint de handicap ce n’est pas si compliquée quand comme nous vous avez la chance que ce merveilleux bébé aille à la crèche sans soucis, soit pris en charge par des professionnels qui font tout que tout soit le plus simple pour votre famille, que vous avez un boulot conciliant. Mais je me suis toujours dis que plus il grandirait, plus ça serait compliqué. Et ça n’a pas loupé. Chaque jour, je me démène pour que mon fils ait droit à tout ce qu’un petit garçon de 3 ans est en mesure d’attendre de la société. La scolarité. Les prises en charge. L’organisation. De l’extérieur, on peut se dire que “ça va”, “c’est calé”. Mais ils ne voient pas la partie immergée de l’iceberg. Les coups de fils incessants. Les professionnels à trouver. Les rendez-vous à caler. Les heures passées dans la voiture. Les dossiers à remplir et reremplir. Les explications à donner encore et toujours. Le manque de tact des gens, les mille agressions anodines du quotidien quand tu as un enfant différent. Le quotidien de parent bien entendu, avec son lot de joies et d’interrogations, mais qui occupe une part trop congrue de ton emploi du temps. Pas de travail, pas vraiment de temps pour ton couple ou tes amis, le temps pour toi tu ne sais même pas ce que ça veut dire et tu as bien envie de claquer le prochain qui te parle de ça.
2 ans après, je suis épuisée. Épuisée de constater que la différence n’est pas dure à vivre avec son enfant, pas du tout, mais qu’elle est dure à vivre avec la société. Avec les autres. Épuisée de voir qu’il existe tellement de possibilités d’aides, mais qu’il faut surtout qu’elles soient assortis de dossiers tous plus complexes les uns que les autres. Épuisée de voir que les choses ne bougent que si tu fais du forcing, si tu te démènes, si tu t’uses. Épuisée de la culpabilité permanente. Épuisée de parfois tenter d’expliquer cet inexplicable ressenti. Épuisée de voir que la solitude ne te quitte pas, à aucune moment.
Voilà, ça a fait 2 ans. Le répit n’est toujours pas d’actualité.
17 comments
Je vous trouve très courageux tous les cinq, et je me dis que ton fils ne pourrait pas trouver mieux comme cadre affectif et familial pour s’épanouir. Mais je sais que ce n’est pas suffisant pour toi. Je sais que tu n’es pas prête à nous révéler le nom du syndrome, du coup j’ai du mal à comprendre de quoi il souffre au quotidien. J’espère que ce petit bonhomme va mener une vie remplie d’amour et de bienveillance, en fait, j’en suis sûre. Je t’embrasse et te fais un gros câlin
Merci <3 Au quotidien "ça va", mais je m'épuise entre toutes les prises en charge, et puis c'est surtout le spectre de la déficience intellectuelle qui me fait très peur. Le reste, c'est du suivi médical... Faire attention au poids, à la croissance, à l'audition, à la vision, à de potentielles crises d'épilepsie, à un risque d'auto-immunité... Aujourd'hui tout va bien, mais c'est dur de savoir que potentiellement ça peut dérailler.
Je suis très émue par votre texte. Je ne peux que vous exprimer ma sympathie, ma compassion et toute mon admiration pour ce que vous accomplissez jour après jour pour vos 3 petits garçons. ❤️
Merci <3
Plein de bisous Charlotte, il est de notre responsabilité à tous de faire évoluer la société…j’essaie et j’essaierai toujours au maximum de faire évoluer l’école mais je comprends bien sûr ta solitude, je t’embrasse.
Julie
Merci beaucoup Julie <3
Je comprends sans comprendre. J’ai moi aussi un petit garçon différend, reconnu handicapé pour le moment, et je passe mon temps à me dire « et si ? » Je te souhaite beaucoup de courage et espère que tout se déroulera du mieux possible
Pour toi aussi beaucoup de courage <3 C'est si dur de gérer ces "et si ?", ils tournent et tournent dans nos têtes...
merci pour ces mots. Je compatis au sens propre car j’ai reçu, en novembre il y a deux ans, un diagnostic d’autisme pour mon deuxième garçon. Les démarches épuisantes, les remarques inqualifiables, et l’énergie à puiser alors qu’on est à bout de forces. Merci. Je suis heureuse d’avoir trouvé quelqu »un qui a réussi à écrire et décrire l’épuisant quotidien de maman d’enfant différent. Allez, en selle demain !
Je te souhaite une tonne de courage Coco, je sais à quel point tu en as besoin <3 Je compatis notamment pour les démarches, je ne comprends toujours pas qu'on nous impose d'avoir autant à gérer, c'est délirant... J'ai rencontré une assistante sociale dernièrement, elle a été au top vraiment, m'a donné des tonnes de pistes mais je suis ressortie de là avec 12 numéros de téléphone et 4 mails à activer pour toutes les pistes, c'est un truc de fou... Heureusement qu'après on arrive à trouver des solutions !
Je ne connais pas la situation de handicap, mais je vois tellement les parents ramer, galérer pour que leurs enfants, un peu, beaucoup, différents puissent avoir les mêmes droits que les autres… je ne sais pas de quoi souffre ton garçon mais il a une chance inouie d’être tombé dans ce foyer… C’est dur mais bravo à vous…
Plein plein de compassion, de réconfort et de courage…
Virginie
Merci beaucoup <3 C'est vrai que c'est incroyable de galérer autant, les choses devraient être plus faciles...
Mais mince …. que je suis désolée de lire ces mots (ces maux ?). Cependant je crois que tu as tout dit, l’intégration dans la société est ce qu’il y a de plus lourd à gérer. J’espère juste que le répit viendra un jour mais il faut que tu acceptes que tu te battras chaque année pour faire entendre les droits de tes enfants. J’espère que tu seras accompagnée comme il le faut car se battre seule c’est dur. Je t’embrasse bien fort, j’aimerai débarquer pour un petit café mais maintenant nos maisons sont un peu éloignées ! Bisous à toute ta belle famille. PS : tu ne sais jamais à quel point tu es fort, jusqu’au jour où être fort reste ta seule option ….
Je sais que tu as raison Aurélie, mais c’est vrai que je n’ai pas envie de l’accepter.. Je le sais, je fais avec, mais c’est réellement inacceptable… Heureusement heureusement qu’on rencontre aussi des gens bien dans ce parcours <3
Je tombe un peu par hasard sur ton blog et sur ce billet et on ne se connaît pas du tout mais je ne pouvait pas partir sans te laisser un petit mot. Je suis l’enfant d’après, mon grand frère est autiste asperger (diagnostic enfin posé à 35 ans, avant on disait trouble du comportement sans trop savoir si c’était de l’autisme ou pas).
Je comprends un peu ce que tu dois vivre pour avoir vu ma mère se démener pour mon frère. Et si tes fils le vivent (vivront) comme mes frères et sœurs, ils te seront sincèrement reconnaissant et admiratif. Être fort, c’est surtout continuer envers et contre tout et surtout la peur et l’angoisse.
Je te souhaite plein de courage, de la chance et une vie la plus douce possible pour toi et les tiens.
Merci beaucoup pour ton message Soazig, ça me touche beaucoup <3 C'est parfois dur de se faire comprendre de notre entourage, et d'avoir un message comme le tien qui vit "de l'intérieur" tout cela c'est sincèrement un coup de boost énorme. Un immense merci à toi, et des pensées pour toute ta famille <3
De rien <3 Je suis heureuse si mon message a eu un effet positif.