Ce lieu là à Necker, c’est un peu un incontournable dès que tu passes du temps dans l’établissement. La micro-cafet. On y vient pour grignoter un sandwich ou une gourmandise, prendre une petite boisson chaude, acheter la presse ou même un petit cadeau de naissance en last minute. Le personnel est plutôt sympa, et on a même des chaises pseudo designers. C’est souvent plein au moment des déj, et on y croise tout type de gens. Le personnel de l’hôpital, détendu entre collègues le matin et en coup de vent tout seul l’aprem. Des gens souriants qui viennent fêter l’arrivée d’un nouveau-né. Des enfants malades, qui poussent le pied de leur perf pendant que leur famille leur commande un chocolat chaud et des friandises. Des parents aux traits tirés, qui prennent vite un café avant de remonter vers les chambres, qui parfois prennent le temps de s’asseoir quelques minutes les yeux dans le vague.
Ce lieu là à Necker, nous l’avons trop fréquenté à une époque. Des “pauses” qui n’en étaient pas, et qui pourtant apportaient un bref moment d’une sorte de répit dans le quotidien à la fois monotone et épuisant d’une hospitalisation longue. L’impression de voler un peu de temps à ces journées sans fin, devant un thé au citron. On y allait à tour de rôle, je te rapporte quoi, prends moi n’importe quelle cochonnerie sucrée, prends le temps de boire ton café en fumant ta clope dehors, j’irais après me poser un peu avec un cappuccino, il n’est pas trop mauvais. Parfois on y était à deux, guettant notre montre, il ne faudrait pas que notre petit chat se réveille de sa sieste alors que nous ne sommes pas là, le pauvre.
Ce lieu là à Necker, ça a été le théâtre d’une de nos grandes discussions. Du genre de celle qui marque. On avait vu les médecins. On avait écouté leur “il y a quelquechose qui ne va pas, on ne sait pas quoi, mais on trouvera la maladie rare dont souffre votre fils”. On avait vu leur pessimisme. On avait compris que rien n’était garanti pour le lendemain, encore moins le surlendemain. Je ne sais toujours pas comment nous avons réussi à discuter à peu près sereinement devant nos cafés ce jour. Je crois qu’à ce moment là nous avions épuisé nos gros sanglots. On a pourtant parlé de l’avenir, sans savoir si cet avenir serait avec notre petit chat. Alors que je ne savais toujours pas comment j’allais surmonter cette épreuve, on a parlé de nos futurs enfants. J’ai exprimé à voix autres cette envie d’en avoir d’autres, pas juste un autre, mais d’autres. Pour ne pas avoir “l’enfant handicapé” et “l’autre”, pour rêver à cette famille “qui irait bien”. L’homme m’a répondu qu’il comprenait. “Si tu as besoin qu’on fasse vite le deuxième pour aller mieux, on fera vite le deuxième”. Pourtant ce jour-là, je n’étais pas encore sûre d’assumer tout ça. Mais quelque part, à ce moment là, inconsciemment, une partie de mon coeur a dû décider que la vie continuait. En tout cas, il a senti que j’avais le choix, la possibilité. Simple et cruel à la fois.
Ce lieu là à Necker, j’y suis retournée prendre un thé, seule, quand mon petit chat a été opéré des oreilles début juillet. Je me suis assise à la même table, attendant que cette opération “banale” se termine. Je me suis rendue compte que je tremblais, mon coeur s’accélerait, je ne supportais pas être là, je ne supporte plus revenir sur ces lieux chargés de tension et de tristesse. Je n’ai pas pu rester assise longtemps, j’ai du sortir, prendre l’air. J’ai repensé à cette discussion. En sortant, je me suis dit que j’espérais vraiment être enceinte, maintenant, vitr. Que ce prochain bébé était une étape indispensable pour aller plus loin dans l’histoire de notre famille, pour panser certaines blessures.
Ce lieu là, je suis repassée devant la semaine dernière, lors d’un N-ième rendez-vous de contrôle. Stressée, comme toujours quand je suis dans ces lieux, mais j’ai souri en y repensant. Au final, début juillet, j’étais déjà enceinte, tout juste enceinte, des jumeaux.
La vie a continué, un autre chapitre s’écrit.
6 comments
Cette lueur d’optimisme à la fin de ton texte réchauffe le cœur ..
Des bises
<3 <3
Ce lieu m’est familier, mais pour la plus belle des raisons. C’est ici que je prenais mon café à chaque consultation de grossesse. Peut être même que nous nous sommes croisées. À chaque fois, j’avais une pensée pour ces parents là, qui font face à la maladie et à la souffrance de leur enfant. Aurais je été aussi forte qu’eux, aurais-je été capable d’affronter ça, je mesure ma chance chaque jour de ne pas avoir à me poser la question …
Vas tu accoucher de tes jumeaux là-bas ? Je garde un très joli souvenir de mon accouchement à Necker
Oui, quand tu y penses à Necker c’est un drôle de mélange… Les enfants malades, les enfants qui viennent au monde. Ma première visite à Necker, c’était pour voir une amie qui avait accouché. J’en garde une belle image ! Surtout que la maternité est nickel de chez nickel !
Je n’accouche pas à Necker non, je reste sur mon hôpital près de chez moi dans la banlieue sud où j’ai accouché de mon grand 🙂 J’ai aussi un suivi à Béclère, mais vu que la grossesse se passe très bien a priori pas besoin d’accoucher là-bas, ce qui me soulage ! Mais si j’avais dû impérativement être suivie en niveau 3, j’avais envisagé Necker effectivement, mais c’était un peu + compliqué pour moi.
Oui, je reconnais! C’est vrai qu’´il y a un peu une atmosphère de hall de gare en plus cosy, à cet endroit. Et qu’en voyant les gens qui s’y croisent tu ne peux pas t’empecher d’essayer de deviner leur histoire et ce qui les a mené là…
Oui, je trouve qu’on a souvent ce sentiment dans les hôpitaux ! Là, le fait que ça soit un hôpital des enfants et une maternité rend le tout très touchant quand tu imagines les différentes vies qui s’y côtoient.